Imaginons un débat prospectif autour de la transformation des villes en réalité augmentée !

A chacun sa ville

Dans les ateliers « Villes de demain », on imagine et on construit des réflexions permettant d’orienter les choix actuels.

2047. Avec le dispositif « À chacun sa ville », la réalité augmentée a envahi les villes. En chaussant des lunabulles (ou lunettes de réalité augmentée), chacun peut se promener dans le décor de son choix. Entre détracteurs et partisans de cette technologie, le débat est virulent. Quelques échanges entre Toou Pourre, défenseur de cette technologie et Mey Contre, une opposante.

Toou Pourre

Le matin, j’enfile mes lunabulles et programme une vision douce de la ville. Mon trajet pour me rendre au travail est confortable. Je vois des bâtiments aux couleurs harmonieuses, de la verdure, les poubelles disparaissent de mon champ de vision. La saleté et la déliquescence des quartiers moins favorisés ne me sautent pas aux yeux. N’étant pas agressé par la médiocrité de la ville, je commence bien ma journée. Pourquoi je priverais mes proches et moi-même de ce plaisir ? Étant de bonne disposition, je suis d’un commerce agréable. La réalité augmentée permet de réaliser ce que Le Corbusier nommait la cité idéale. Alors que l’architecte du siècle dernier envisageait une construction utopique en béton, chacun aujourd’hui peut programmer une cité idéale en phase avec ses utopies.

Mey Contre

Il faut préciser que seuls quelques privilégiés ont aujourd’hui la possibilité de programmer une ville idéale. Les autres, bien plus nombreux, ne peuvent programmer que des villes vitrines, sponsorisées par des marques. Ils ne peuvent pas faire deux pas sans qu’on tente de leur vendre de l’invendable.

Toou Pourre

Vous oubliez que tous les bâtiments publics sont des surfaces mises au service de l’éducation et de l’information. Les marques ne peuvent rien y programmer.

Mey Contre

Les programmes éducatifs sont pour l’instant si pauvres qu’on ne peut même pas en parler. Mais, le principal problème de cette vision virtuelle de la ville est que nous pouvons plus partager la même réalité. Si j’effectue le même trajet que vous, vous verrez une autre ville que moi. Avec la technologie, le ciment sociétal qui nous lie n’existe plus. Il est remplacé par des micros réels individualisés. Il n’y a plus de réel commun partagé.

Toou Pourre

C’est un faux débat. Même sans lunabulles, nous ne voyons pas la même chose. Chacun voit uniquement ce qui fait sens pour lui. La réalité augmentée ne fait que renforcer cette tendance.

Mey Contre

Certes, mais la technologie, en mettant l’accent sur des parties de la réalité, oriente notre vision et donc notre pensée. Elle nous oblige à regarder un immeuble alors que nous sommes en train de rêver à des promenades au bord de la mer.